"Un risque de frustration et d'abstention": Emmanuel Macron va-t-il annoncer un référendum?

Les Français sont très majoritairement favorables (83%) à l'organisation d'un référendum et placent l'économie, les retraites et l'immigration en tête des sujets sur lesquels ils aimeraient être questionnés, selon un sondage Elabe pour nos confrères de BFMTV, publié ce dimanche 11 mai.
D'autant que selon La Tribune Dimanche, le chef de l'État devrait présenter mardi soir sur TF1, "sauf changement de dernière minute", le "référendum qu'il veut organiser sans doute à l'automne". Selon l'hebdomadaire dominical, "trois questions très différentes [...] mais avec un "seul bulletin de vote", "liées au quotidien des Français", potentiellement sur la fin de vie, les écrans, le travail et son financement.
Des thématiques pourtant éloignées de ce qui ressort du sondage Elabe, selon lequel les Français pencheraient davantage pour la dépense publique, la dette et les impôts (59% des sondés) mais aussi l'immigration et les retraites (52%). Précisement, un référendum sur l'immigration est majoritairement souhaité par les électeurs du Rassemblement national tandis que les électeurs du NFP sont favorables à une question sur les retraites.
"L'usage des écrans pour les enfants, les rythmes scolaires, et le mode de scrutin à la proportionnelle pour les élections législatives sont cités par moins d’un quart des Français", fait état le sondage Elabe.

De quelle manière les Français seront-ils sollicités? Référendum ou consultation? Le constitutionnaliste Benjamin Morel penche plus pour la deuxième option. "Le premier est un instrument qui permet au président de demander au peuple de trancher sur un sujet clivant. La deuxième n'a pas de valeur juridique", rappelle-t-il ce dimanche sur RMC.
Dans le cas d'un référendum, en cas de oui, la question est transformée en loi. Mais en cas de consultation, "si vous n'avez pas de texte derrière", d'autant qu'il n'y pas de majorité à l'Assemblée nationale, "cela risque de ne pas être bien reçu par les Français", développe le professeur de droit au micro d'Anaïs Matin, qui pointe une potentielle "frustration, une forte abstention et encore plus de défiance".
Si 43% des sondés aimeraient se positionner sur la fin de vie, un référendum sur cette question, tout comme l'immigration, est d'un point de vue de la Constitution difficile à concevoir, en vertu de l'article 11 qui permet de soumettre aux Français uniquement des questions portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent.
"Quelle que soit la forme, c'est un peu une manoeuvre politique" d'Emmanuel Macron afin de "se remettre au centre du jeu", souligne Benjamin Morel. L'idée d'un référendum ou d'une consultation est "avancée" par le président "depuis plusieurs années" et met en avant le concept d'"une respiration démocratique en plein milieu de son quinquennat".
Le dernier référendum auquel ont été soumis les Français date de 20 ans, organisé le 25 mai 2005 sous la présidence de Jacques Chirac et portant sur l'approbation du "projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe".
Le "non" l'avait emporté à 54,67% des voix, avec 69,33% de participation des électeurs. Sauf que le traité de Lisbonne, adopté par voie parlementaire en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a repris la majorité des éléments qui se trouvaient dans le traité constitutionnel. "Cela a profondément marqué les Français qui ont le sentiment que le référendum ne sert à rien [...] Cela a aussi "créé un traumatisme profond dans le monde politique", estime Benjamin Morel.
L'idée d'un référendum a aussi été évoquée par le Premier ministre François Bayrou le 3 mai, à propos des finances publiques et le budget de l'État 2026, se justifiant par une "question assez grave, assez lourde de conséquences pour l'avenir de la nation, pour qu'elle s'adresse directement aux citoyens", avait-il déclaré dans le JDD.
En déplacement à Brest samedi, "l'idée a pénétré l'opinion", s'est félicité le maire de Pau. "Le monde politique est un peu moins enthousiaste, on comprend assez bien pourquoi: parce que l'intervention directe des citoyens change le rapport de force et le débat", toujours selon le Premier ministre.
RMC